April 24, 2005

The French version of the message that His Holiness Catholicos Aram I delivered on Sunday, 24th April, 2005 in Deir Zor (Syria) on the occasion of the 90th Anniversary of the Armenian Genocide

CONFESSION ET JUSTICE :

LA VOIE DE LA RECONCILIATION

 

Par Sa Sainteté

Le Catholicos ARAM I

 

Dans le monde fragmentĂ© d’aujourd’hui, la rĂ©conciliation revĂȘt une importance majeure et doit constituer une  prioritĂ© pour la CommunautĂ© Internationale. Dans la reconstruction d’un monde meilleur, plusieurs gĂ©nocides impunis ainsi que maintes conflits et questions relevant des Droits de l’Homme, mĂ©ritent d’ĂȘtre sĂ©rieusement considĂ©rĂ©s et rĂ©solus.

 

Dans ce contexte, les Instances Internationales n’ont toujours pas appliquĂ©,  pour des raisons gĂ©opolitiques, les RĂ©solutions de Droit International se rapportant au GĂ©nocide ArmĂ©nien.

 

Ces quelques rĂ©flections sont basĂ©es sur le rapport que j’ai prĂ©sentĂ© comme modĂ©rateur du ComitĂ© Central du Conseil Mondial des Eglises, Ă  l’occasion de la rĂ©union de ce ComitĂ©, en FĂ©vrier 2005, Ă  GenĂšve:

 

1.- Le pardon, don et obligation. Les sociĂ©tĂ©s modernes accordent une importance primordiale  au  pardon  dans  la  perspective  de  la  guĂ©rison  des  mĂ©moires. Malheureusement, le pardon a perdu une grande partie de son sens vĂ©ritable; il est politisĂ© pour des intĂ©rĂȘts multiples et l’on voudrait trop souvent qu’il soit accordĂ© facilement. Dans la Bible, le pardon revĂȘt une importance spĂ©ciale. Ainsi, la mission de l’Eglise est de pardonner les pĂ©chĂ©s et de guider les individus et les communautĂ©s vers la guĂ©rison et la rĂ©conciliation. Le pardon est un aspect essentiel de la foi chrĂ©tienne, ainsi qu’une dimension fondamentale de la vocation des ChrĂ©tiens.

 

2.- Pardonner, ce n’est pas oublier le passĂ©. Pardonner, c’est guĂ©rir le passĂ©. Pardonner, n’est pas oublier; mais plutĂŽt se souvenir, d’une maniĂšre diffĂ©rente. Il faut affronter courageusement le passĂ©, et le faire d’une maniĂšre responsable. Pardonner, signifie aussi regarder vers l’avenir avec une foi nouvelle, une espĂ©rance nouvelle et dans une perspective nouvelle. Le pardon nous engage Ă  vivre ensemble dans la paix, la justice et la dignitĂ©. Plus encore, il donne tant Ă  celui qui pardonne qu’Ă  celui qui est pardonnĂ©, la capacitĂ© et le dĂ©fi d’Ɠuvrer et de lutter ensemble pour accomplir une tĂąche commune: celle de crĂ©er un avenir d’espĂ©rance en se libĂ©rant de l’amertume du passĂ©. NĂ©gliger les blessures du passĂ© ne contribue pas Ă  Ă©tablir une coexistence harmonieuse ni Ă  Ă©difier une communautĂ© rĂ©conciliĂ©e. Oublier les souvenirs de souffrances n’incite pas les gens et les nations Ă  regarder vers l’avant ni Ă  s’engager dans l’Ă©dification d’un avenir nouveau. Le pardon est l’amorce de la guĂ©rison dans toutes ses dimensions, manifestations et effets. En affirmant notre passĂ©, nous transformons nos blessures et nous rĂ©concilions avec nos souvenirs.

 

3.- L’acceptation de la vĂ©ritĂ© est la condition sine qua non du pardon. Il faut que la faute soit admise, et la vĂ©ritĂ© proclamĂ©e clairement et complĂštement. ReconnaĂźtre la vĂ©ritĂ© dans sa totalitĂ© est le premier pas positif et concret dans le processus d’un nouveau dĂ©part. Dire la vĂ©ritĂ©: telle est la condition premiĂšre et essentielle de la guĂ©rison et la rĂ©conciliation. Cette annĂ©e, le peuple armĂ©nien commĂ©more le quatre-vingt dixiĂšme anniversaire du gĂ©nocide armĂ©nien. Au cours de la PremiĂšre Guerre mondiale, en 1915, un million et demi d’ArmĂ©niens ont Ă©tĂ© massacrĂ©s par le gouvernement turc ottoman, selon un plan soigneusement Ă©laborĂ© et systĂ©matiquement exĂ©cutĂ©. Bien que ma gĂ©nĂ©ration n’aie pas personnellement vĂ©cu ce passĂ© tragique, le gĂ©nocide armĂ©nien a eu un effet crucial et de fortes rĂ©percussions sur notre formation spirituelle et intellectuelle. Le passĂ© hante les victimes; nous ne pouvons nous libĂ©rer du passĂ© tant que ce passĂ© n’aura pas Ă©tĂ© dĂ»ment reconnu et rĂ©parĂ©. Un document prĂ©paratoire de la prochaine ConfĂ©rence Mondiale sur la mission et l’EvangĂ©lisation le souligne bien: “La guĂ©rison exige que soit brisĂ© ce silence et que la vĂ©ritĂ© puisse faire jour. Cela permet la reconnaissance de ce qui a Ă©tĂ© cachĂ©”.

 

4.- Le pardon doit mener Ă  la rĂ©conciliation des mĂ©moires. La mĂ©moire est une source vivante de l’histoire, un Ă©lĂ©ment essentiel qui permet de se comprendre soi-mĂȘme. Dans le processus de rĂ©conciliation, il faut crĂ©er des espaces dans lesquels les mĂ©moires seront guĂ©ries, transformĂ©es et rĂ©conciliĂ©es. Lorsque les mĂ©moires ne sont pas guĂ©ries, nous restons prisonniers du passĂ©; lorsqu’elles sont guĂ©ries, par la confession et le pardon, elles nous donnent la capacitĂ© de reconstruire des relations, d’intensifier la confiance mutuelle et de nous engager dans un processus de transformation. Les mĂ©moires non guĂ©ries deviennent une  source de violence et de haine. Le pardon, en tant que rĂ©ponse Ă  la dĂ©claration d’une faute, est un facteur dĂ©terminant du processus de rĂ©conciliation. Par le pardon, nous acceptons mutuellement la vĂ©ritĂ© et promouvons la nĂ©cessitĂ© de justice. Seule la confession peut mener au pardon; un acte courageux, qui constitue une condition prĂ©alable Ă  toute guĂ©rison et Ă  toute rĂ©conciliation rĂ©elles.

 

5.- Le pardon doit mener Ă  la justice. La justice est un facteur dĂ©terminant du processus de rĂ©conciliation. Par justice, je ne comprends pas la vengeance; mais essentiellement la justice rĂ©paratrice et tranformatrice. C’est sur la  base d’une telle justice, que s’appuie une guĂ©rison vĂ©ritable et s’Ă©difie une rĂ©conciliation authentique. Pour   achever ce but, les deux parties doivent y participer: autant la victime que l’auteur du crime. L’impunitĂ© ne fait que perpĂ©tuer l’injustice; pourtant, chĂątier le coupable ne constitue pas une fin en soi. La confession et le pardon ont pour fin la justice et la rĂ©conciliation. Il fait mettre la vĂ©ritĂ© et la justice au service de la coexistence et de la rĂ©conciliation. En Afrique du Sud, le processus “vĂ©ritĂ© et rĂ©conciliation” a clairement refusĂ© toute “rĂ©conciliation Ă  bon marchĂ©”, c’est-Ă -dire la rĂ©conciliation sans la justice. Seule la justice rĂ©paratrice et constitutive de Droits permet d’arriver Ă  une rĂ©conciliation authentique et permanente.

 

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