July 29, 2002

La Francophonie: Un Engagement Pour Les Droits de L’Homme

LA FRANCOPHONIE : UN ENGAGEMENT POUR LES DROITS DE L’HOMME

par S.S. Aram I Catholicos de Cilicie

 

La prochaine rĂ©union des chefs d’Ă©tat des pays francophones Ă  Beyrouth est un grand Ă©vĂ©nement pour le Moyen-Orient en gĂ©nĂ©ral et le Liban en particulier. Il est certain que cette rencontre ouvrira une page nouvelle dans l’histoire des relations entre le monde arabe  et  celui  de  la  Francophonie.  Ces  relations,  ou  plutĂ´t  cette  affinitĂ©,  dans  de nombreux domaines sont enracinĂ©es dans l’histoire de ces deux mondes, eux-mĂŞmes si riches et variĂ©s. Quant au Liban, petit pays imbu de l’esprit de la Francophonie, cette rĂ©union donnera, d’une part, un Ă©lan renouvelĂ© Ă  la participation du Liban aux activitĂ©s de la Francophonie et posera, d’autre part, un grand dĂ©fi Ă  la Francophonie qui devra considĂ©rer plus sĂ©rieusement le Liban comme un pays oĂą la culture française est en dialogue existentiel avec la culture arabe, oĂą la francophonie coexiste avec la culture arabe dans une atmosphère de parfaite convivialitĂ©. Les pays de la Francophonie ont souvent exprimĂ© leur souci pour l’indĂ©pendance, l’intĂ©gritĂ© territoriale et la souverainetĂ© du Liban; cette rĂ©union est une manifestation tangible de leur appui Ă  un Liban souverain, pays de la coexistence et du dialogue vivant des cultures, des religions et des valeurs humaines.

 

Pour moi, la Francophonie n’est pas seulement une organisation regroupant des pays de culture française; elle n’est pas non plus une structure de nature politique ou Ă©conomique; elle  est  plutĂ´t  une  mission  pour  la  promotion  des  valeurs  humaines,  culturelles  et morales. La Francophonie est une vocation pour rĂ©aliser une convivialitĂ© plus authentique entre les cultures et les idĂ©ologies; elle est aussi un engagement pour la justice, la paix, la rĂ©conciliation entre les peuples, les nations et les Ă©tats. Dans ce monde oĂą la violence et l’injustice prĂ©dominent dans la vie de nombreuses sociĂ©tĂ©s, la Francophonie est appelĂ©e Ă  donner un nouveau dynamisme Ă  cet engagement.

 

Dans ce cadre, je voudrais rappeler Ă  notre mĂ©moire avec une apprĂ©ciation Ă©mue la dĂ©cision des Ă©lus français de reconnaĂ®tre le GĂ©nocide armĂ©nien. Il ne s’agissait pas d’une dĂ©cision banale mais d’une attitude collective courageuse exprimant dignement l’esprit de libertĂ©, de justice et de convivialitĂ© caractĂ©ristique de l’histoire du peuple français. Ce n’Ă©tait pas non plus une dĂ©cision politique mais bien la dĂ©cision de l’ensemble du peuple français exprimĂ©e par ses reprĂ©sentants. Cette attitude a ses racines dans l’histoire et la culture françaises et la prise de position de peuple français vis Ă  vis l’injustice flagrante dont fut victime le peuple armĂ©nien est bien dans la lignĂ©e de la tradition française. En fait des relations soutenues, une certaine affinitĂ© ont marquĂ© l’histoire des deux peuples français et armĂ©nien et ce, depuis le Moyen-Age et les principes de libertĂ©, de justice et de respect des droits humains qui marquent la pensĂ©e et l’attitude françaises trouvent un Ă©cho chez le peuple armĂ©nien. A mon avis, la dĂ©cision du peuple français n’Ă©tait qu’une manifestation authentique de ce que je considère l’esprit de la Francophonie. Le GĂ©nocide armĂ©nien, le premier du 20ème siècle, organisĂ© et systĂ©matiquement mis en exĂ©cution par les autoritĂ©s ottomanes-turques contre le peuple armĂ©nien, demeure un crime impuni, une injustice flagrante. Plusieurs pays ont reconnu ce crime contre l’humanitĂ© mais il en reste beaucoup qui, pour diverses raisons, n’ont toujours pas considĂ©rĂ© avec le sĂ©rieux qu’elle le mĂ©rite, la question de la reconnaissance du GĂ©nocide armĂ©nien.

 

Le  gĂ©nocide n’est pas une question d’ordre politique mais une question humaine et morale, une question d’injustice et de violation des droits de l’homme. Malheureusement les gĂ©nocides n’appartiennent pas seulement Ă  l’histoire; ils continuent avec impunitĂ© sous diffĂ©rentes formes et avec des expressions diverses dans plusieurs rĂ©gions et pays du monde. Le gĂ©nocide est l’expression la plus atroce du terrorisme. C’est un terrorisme d’Ă©tat contre un peuple innocent qui lutte pour ses droits lĂ©gitimes.

 

L’indiffĂ©rence et le silence encouragent la continuation de ces crimes contre l’humanitĂ©. L’impunitĂ© des gĂ©nocides pave la voie Ă  de nouvelles atrocitĂ©s, Ă  de nouveaux gĂ©nocides. La condamnation, ou la reconnaissance, des gĂ©nocides n’est pas un acte politique mais un acte essentiellement humain basĂ© sur les principes de morale et de droit international. La vie est un don de Dieu; nul ne peut attenter Ă  la vie de son semblable; nulle nation ne peut ignorer la vie et la dignitĂ© d’une autre nation. Dans ce monde mondialisĂ© la sĂ©curitĂ©,  la justice et la paix au sein d’une nation ou mĂŞme d’une rĂ©gion appartiennent Ă  tout le monde; par consĂ©quent elles sont la responsabilitĂ© de la communautĂ© internationale. Oui, la Francophonie est aussi un engagement pour les droits de l’homme. La France a donnĂ© un exemple exemplaire, comme l’ont fait le Liban et bien d’autres pays. Il reste Ă  espĂ©rer que les autres membres de la Francophonie feront de mĂŞme, manifestant ainsi leur engagement pour les droits humains partout dans le monde.

 

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